Les Agilenautes Récits et Fables sur l'agilité

Analyse détaillée des témoignages concernant les fonctions d’une manager

A
Évolution du rôle de manager dans une perspective craft
– Chapitre 6.

Ce chapitre et celui qui suit s’adresse à ceux qui souhaitent se plonger dans le corpus des interviews, afin de permettre de vous faire votre propre interprétation, en collant au mieux aux témoignages des différentes personnes que nous avons rencontrées, et d’en montrer la richesse.

Ainsi, les points de vue exprimés dans ces deux chapitres sont ceux des personnes interrogées. Nous n’avons jamais cherché à compléter ces points de vue par notre propre expérience, nous avons seulement proposé des regroupements et, plus rarement, quelques interprétations.

Le référent administratif

Un trait commun à tous les témoignages concerne le côté administratif, d’une part, et transverse d’autre part du rôle : la manager est responsable du recrutement, du suivi de carrière et de la formation, elle valide les congés, le télétravail, voire s’occupe des côtés juridiques ainsi que des relations commerciales, avec les entreprises prestataires par exemple. Nous nous permettons de synthétiser cela en disant que la manager est la projection dans l’équipe des autres fonctions support de l’entreprise (comme les ressources humaines, le juridique, les achats). Dans cette perspective, elle s’occupe des arrivées (gestions des droits par exemple).

Ainsi, en prolongeant cet aspect connecté au reste de l’entreprise, la manager a une meilleure vision d’ensemble, une meilleure connaissance des rouages de l’entreprise en général, des différents rôles transverses dans l’entreprise, et peut résoudre les problèmes avec l’extérieur, avec l’aide d’un réseau diversifié qu’elle aura constitué par exemple. En effet, un point souvent remonté en entretien est que la manager, quand son rôle est distinct de celui de lead technique, s’occupe plutôt de fluidifier la relation avec l’extérieur, alors que la lead technique s’occupe plutôt de fluidifier les relations au sein de l’équipe.

Dans nos entretiens, un autre point d’ordre administratif particulier est régulièrement relevé : c’est la manager qui gère les budgets et les ressources (« s’assurer qu’il y a le bon nombre de personnes »). Ainsi elle s’assure qu’il y a assez de moyens pour que l’équipe puisse faire ce qu’on lui demande. Quand son rôle est distinct de celui de lead technique, elle met à disposition les moyens dont la lead technique a besoin, comme dans une espèce de partenariat.

Manager et lead technique

Concernant l’articulation entre manager et lead technique, on notera que, pour certaines personnes interviewées, la manager ne doit surtout pas être lead technique, alors que pour d’autres les deux rôles sont cumulables.

La manager, quand elle s’oppose à la Lead Technique, est moins dans le quotidien, voire ne fait pas partie de l’équipe. Ainsi, elle n’a pas de tâches de production (comme développer, écrire des spécifications, tester), il a même été remonté que ce n’était pas, par nature, possible, puisque son rôle est justement d’être interrompue, ce qui l’empêche d’avoir les plages de temps nécessaire à la production (« maker schedule vs manager schedule »). Au passage, le fait d’avoir été technique pour être manager d’une équipe technique n’est pas nécessaire pour toutes personnes interrogées (« un bon manager d’une équipe comptable sera peut-être meilleur manager d’équipe de dev, qu’un ancien dev »), même si pour beaucoup cela facilite la chose d’avoir eu des rôles techniques par le passé. Enfin a été exprimé plusieurs fois la dualité technique-outils vs humain-méthode : autant une lead technique s’occupera du côté technique, des outils, autant la manager s’occupera du côté humain, et des méthodes.

En contrepartie, la manager, dans le cas où elle est aussi lead technique, fait partie de l’équipe et récupère naturellement les responsabilités de lead technique. Par exemple, elle s’assure que les ressources sont bien utilisées. Elle construit la vision technique (architecture, design, bonnes pratiques) afin que le projet aille dans la bonne direction technique et soit maintenable. Pour cela elle peut faire en sorte que cette vision vienne de l’équipe, en proposant les alternatives, en la guidant. Elle tous cas, elle s’assure ensuite que ces décisions sont adoptées par toute l’équipe. Enfin, elle aide concrètement chaque membre de l’équipe à progresser dans ses compétences techniques. Pour toute cela, on verra qu’elle doit faire preuve d’écoute, de suivi, et doit faire attention à l’équipe.

S’assurer que les règles existent, sont connues et suivies

Un autre ensemble d’actions propres aux managers, remontés lors des entretiens, concernent celles qui permettent de définir des règles, que ce soit par consensus, émergence, ou injonction, puis de s’assurer qu’elles sont suivies. Nous avons, volontairement, inclus dans ces actes les actes administratifs, en nous basant sur le raisonnement critiquable que l’administratif participe principalement au contrôle des règles (par exemple, faire donner les droits par celui qui est responsable de s’assurer de la bonne application des règles permettrait de s’assurer que les droits sont bien donnés).

Ainsi la manager :

  • Permet aux équipes d’être autonomes en organisant les processus qui leur permettent de choisir les règles qu’elles souhaitent (plusieurs exemples ont été donnés invoquant le processus de relecture de code).
  • Valide les demandes liées à l’organisation du travail : télétravail, astreinte, congés, autres absences.
  • Gère les salaires, les augmentations.
  • Gère les droits d’accès et l’accès au matériel, notamment ceux des nouvelles arrivantes.
  • Choisit les bonnes techno (dans le cas d’une manager lead technique).

Au détour d’une conversation, une des personnes interrogées nous a sorti que c’est plutôt d’autres personnes qui font les « trucs concrets ». Néanmoins, même si jamais le mot « chef », « encadrer » ou « responsable » n’a été employé, il arrive au manager d’être celle qui « donne des ordres » et « décide ». C’est elle qui s’assure que le comportement de chaque membre de l’équipe est approprié et, même, elle a le privilège, voire la responsabilité, d’organiser des points individuels avec chaque membre de l’équipe (« One to One »).

S’assurer d’une forme d’équité, d’équilibre.

La manager doit aussi faire en sorte que l’application de ces règles soit équitable, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’équipe. Ainsi, elle :

  • Explique ses décisions, explicite ses besoins (vs imposer ses exigences).
  • Répète les priorisations, garantie que les choses sont faites dans l’ordre.
  • Peut procéder à une médiation entre plusieurs personnes de l’équipe, en cas de tension.
  • Doit pouvoir imposer des décisions aux autres équipes (« Super pokemon »). La manager doit pouvoir, par son niveau hiérarchique, exiger de la part d’autres équipes des actions afin d’assurer le bon équilibre entre les équipes.
  • Protège son équipe et son flux de travail. Peut être aidée en ce sens par une organisation mature agile.
  • Enfin tranche en interne quand cela est nécessaire.

Organiser et animer grâce à sa vision d’ensemble, faire le médiateur avec l’extérieur

Une autre caractéristique est remontée régulièrement : le fait que la manager est interface avec l’extérieur. Cela lui permet deux choses : d’une part permettre à l’équipe de prendre des décisions qui prennent en compte les contraintes extérieures ; d’autre part résoudre les conflits avec les autres équipes. Nous pensons que ces deux types d’actions sont en fait les extrêmes d’un même ensemble, que nous avons donc regroupé. Nous avons noté qu’aucune personne interrogée n’a évoqué le fait que la manager devait organiser ou animer les « réunions d’équipes régulières ». Nous interprétons cela par le fait que Scrum est passé par là…

Pour cela, la manager :

  • Aide les équipes à s’organiser pour répondre aux enjeux de l’organisation et du produit, et s’assure que l’équipe réponde au besoin de l’entreprise.
  • A une vue suffisamment globale pour permettre d’avoir la meilleure organisation pour traiter les demandes de manière autonome, en ayant écouté l’équipe avant et après.
  • Aide à la prise de décisions en remontant des facteurs que les membres de l’équipe ne voient pas à leur niveau.
  • Redescend les informations, informe des soucis qu’il y a dans les autres équipes.
  • Fait le filtrage entre son équipe et l’extérieur (aide à la qualification des tickets, à l’étude d’impacts, gère les demandes entrantes). Elle formalise les entrées/sorties (« I/O »), surtout quand il y a de multiples canaux de communication.
  • Réduit la pression extérieure.
  • Remonte les tensions avec les membres d’autres équipes à leurs managers respectives, fait la médiatrice avec les personnes des autres équipes.
  • Anime les réunions sur les sujets qui dépassent l’équipe elle-même, comme les évolutions du produit. De même elle facilite sur les sujets transverses.

Accompagner chaque membre de l’équipe

Enfin, tout un ensemble d’actions concrètes sont attendues dans le cadre du mentoring des développeuses (cela pourrait concerner l’ensemble de l’équipe, néanmoins seules des développeuses ont été interrogées pendant l’étude) :

  • Motive à faire ce qu’on n’aime pas faire (gère les refus d’obstacle).
  • Aide à prioriser ses tâches quand la développeuse manque de recul.
  • Vérifie que chaque membre est bien occupé.
  • Fait des points individuels réguliers (« O2O » ou « One To One »).
  • Discute des besoins de formation de chacun.
  • Peut donner des explications précises sur les tâches, voire formalise les tickets.
  • S’assure de faire participer les développeuses au découpage des tâches.
  • Enfin, fait en sorte que chacun soit plus autonome.

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