Évolution du rôle de manager dans une perspective craft
– Introduction.
Arolla est une ESN[1] qui a toujours mis au centre de sa culture le software craftership[2] (cf. paragraphe suivant), et cherche aujourd’hui à réfléchir autour d’une offre de manager fidèle à ces valeurs. L’objectif de cette étude est d’articuler management et software craftership, afin de définir spécifiquement le sens d’une telle offre, et accompagner les évolutions qui mettent en question les certitudes et les habitudes concernant les managers d’équipe de développement logiciel, et qui semblent s’accélérer de plus en plus :
- la complexité croissante des réalisations, l’accélération des rythmes et le niveau croissant d’incertitude
- l’essor du software craftership, autant dans les pratiques que les attitudes
- la recherche d’autonomie de plus en plus affirmée au niveaux de architecture techniques (architectures modulaires, comme les microservice), des métiers (par une isolation des dépendances, comme en DDD) et de l’organisation associée (avec l’approche en petites équipes multicompétente)
- un marché de l’emploi en développement informatique toujours tendu, d’où l’enjeu de fidéliser des développeurs et développeuses de plus en plus exigeants
Qu’est-ce que le software craftership ?
Le software craftership est une approche qui connaît un essor depuis 2009 dans le monde du développement logiciel, et qui est adoptée par de nombreuses organisations qui en ont compris les bénéfices.
C’est une forme de retour aux sources de l’agilité, avant qu’elle ne fût dévoyée par son déploiement à marche forcée (voir « la gueule de bois de l’agilité »). Ces pratiques mettent en avant la qualité du logiciel, autant intrinsèque (la manière dont il est codé, sa maintenabilité, sa résilience en production, mais aussi la manière dont il est livré, sa chaine de production…) qu’extrinsèque (le fait qu’il réponde parfaitement au besoin de l’utilisateur).
Cette approche amène donc une attention particulière sur des pratiques et des attitudes favorisant la qualité de ce qui est produit et ce au-delà du court terme, en mettant l’accent sur l’accroissement des compétences des équipes de développement, en préconisant l’utilisation de techniques rigoureuses telles que le Développement dirigé par les tests, et en adaptant les systèmes de valeurs pour par exemple considérer le code comme étant collectif, en changement permanent, et en préférant la simplicité à la virtuosité.
L’articulation avec le management
Cette étude vient d’une discussion entre des membres de l’équipe commerciale avec certaines consultantes et consultants, lorsqu’il a fallu préciser une offre spécifique tournant autour du rôle de manager d’équipe de développement, alors que l’offre d’Arolla se concentre historiquement sur des rôles de développeurs et développeuses logiciel. L’idée était d’isoler ce qui pourrait caractériser ce rôle dans une culture de software craftership, et ainsi la différencier des offres concurrentes.
Il s’est vite manifesté que cette démarche pourrait aussi aider à documenter la friction qui, avec l’essor de cette culture du craft, apparait à l’interface entre des équipes qui se reconnaissent dans le software craftership, et leurs managers, qui ne s’y reconnaissent pas nécessairement. Enfin, en allant plus loin, la question se pose d’extrapoler, de généraliser les attitudes propres au software crafter au rôle de manager, en vue d’en obtenir des bénéfices similaires, et à minima d’améliorer la qualité de leur collaboration.
Une démarche « User Experience »
Pour découvrir ce que pourrait être un ou une manager craft, nous sommes allés interroger directement les « utilisateurs et utilisatrices » de ces managers, dans un esprit « UX », sachant que nous en avions justement cent-soixante sous la main, en l’occurrence les consultants et les consultantes d’Arolla et de sa société sœur, la Combe du Lion Vert, toutes et tous se reconnaissant dans le qualificatif de « crafter ».
Nous avons suivi les principes méthodologiques des interviews utilisateur tels que des spécialistes « UX » nous les avaient présentés : élaboration d’un questionnaire qualitatif, unique, en entonnoir inversé, relecture des réponses dans la foulée. Même si le fondement méthodologique reste mince (interviews non enregistrées, un seul intervieweur), nous avons voulu faire preuve d’un maximum d’intégrité dans notre approche, le but étant de découvrir plus que prouver une conviction préconçue. Cela a été au-delà de nos espérances, et nous espérons que vous découvrirez à la lecture de ce rapport vous aussi de quoi vous émerveiller.
La conséquence est que nous parlerons presque exclusivement des managers en tant que personnes, et non du management en tant que responsabilité ou action. Mais le passage de l’une à l’autre est l’objectif même de cette étude.
De même, l’étude se concentre sur le point de vue des développeuses et des développeurs. Nous n’aborderons pas les points de vue des dirigeantes ou dirigeant, managers de managers, responsables des ressources humaines, ne les ayant pas interrogé·e·s, et ce volontairement : l’objectif de cet étude est de laisser la parole à celles et ceux qui ont moins l’occasion de la prendre afin de découvrir, si possible, les caractéristiques spécifiques de leur manager idéal·e. En outre, le point de vue de ces responsables sont déjà bien documentés, souvent par ces personnes-là d’ailleurs, par exemple dans les formations de manager ou de coaching. Nous avons quand même rappelé certains de ces points de vue contemporains, afin de compléter a minima les angles mort et faire le lien avec la littérature existante sur ce sujet, sans chercher à l’épuiser pour autant (chapitre « Compléments théoriques »).
Néanmoins, une prochaine étape serait d’interroger les managers et leurs responsables, lorsqu’ils ou elles ont fait appel à des « crafters », afin de voir, par exemple, en quoi le fait d’avoir encadré ce genre de profils aurait pu modifier leur perception de leur propre rôle et, ainsi, approcher par l’autre face ce que pourrait être un manager « craft ».
[1] Entreprise au service du numérique, ce qu’on appelait avant SSII (Société de service en ingénierie informatique). Vous trouverez plus de détail sur le fonctionnement d’une ESN, et notamment comment les offres d’Arolla émergent, dans l’annexe « Qu’est-ce qu’une ESN ? »
[2] Software craftership est la déclinaison inclusive du terme software craftsmanship, que vous trouverez encore souvent.
- Introduction – Contexte
- Avant-Propos – Note sur les partis pris pendant la rédaction
- Chapitre 1 – Synthèse des fonctions et qualités d’une bonne manager
- Chapitre 2 – Premières limites : des responsabilités concentrées, mais un portrait incomplet
- Chapitre 3 – La Manager Craft
- Chapitre 4 – Et si le rôle de manager n’était plus nécessaire
- Chapitre 5 – Compléments théoriques
- Chapitre 6 – Analyse détaillée des témoignages concernant les fonctions d’une manager
- Chapitre 7 – Analyse détaillée des témoignages concernant les qualités attendues d’une bonne manager
- Conclusion – Qui veut être manager ?
- Annexes